Ça a débuté comme ça, je
pensais avoir trouvé une solution au Sud pour arriver rapidement
au Horn. Sous gv 3 ris, je suis descendu sous 50 degrés Sud, ça
filait bien avec le Nord Ouest, bien que limite parfois dans
les surfs.
Le lendemain il y a eu la
bascule au sud ouest et la houle est devenue énorme. Sous trinquette
seule pour limiter les survitesses, j’arrivais à faire de l’Est
à 1500 miles du Cap Horn.
Puis il y a eu une vague
beaucoup plus grosse que les autres, le trimaran a littéralement
décollé dessus et est retombé sur le flotteur tribord. Je n’ai
rien constaté sur le moment. Dans l‘après midi j’ai commencé à
entendre des couinements suspects à l’intérieur. J’ai inspecté
les bras de liaison puis les flotteurs et j’ai constaté un léger
déchirement de la strate sur le pont du flotteur tribord au niveau
des bras de liaisons avant et arrière.
Il n’était plus question de
continuer à faire route et je me suis détourné vers le Nord en
direction de Chanik et Alizés2.
Avec Fanch et Francis nous
avons fait le point pour envisager la suite. Je devais faire une
estimation plus approfondie des dégâts, quand les conditions le
permettraient et décider soit d’abandonner le navire en rejoignant
Chanik, soit continuer entouré de mes deux amis au cas où, ou alors
remonter en Polynésie pour réparer. Mais le vent et la mer
ont continué à forcir et ne m’ont pas laissé le choix. Dans la
soirée il y a eut un gros crac et le flotteur a commencé à se
détacher. J’ai déclenché ma balise de détresse.
Les secours ont été d une
incroyable efficacité. On m’a prévenu rapidement qu’il y avait
un cargo à 88 miles de moi et qu’il me récupérerait dans la
matinée. Au matin le flotteur s’est entièrement détaché et
s’est logé sous la nacelle retenu par les haubans. Le mat
extrêmement sécurisé n'a pas bougé. Avec la trinquette j’ai
maintenu l’équilibre sur le flotteur bâbord.
Le
Mrrc Chile a donné au cargo la position du déclenchement de ma
balise sans tenir compte de ma dérive au vent et aux vagues. Dans la
nuit j’ai parcouru 60 miles dans l’Est
. Au matin le capitaine du cargo m’a appelé pour me demander où
je me trouvais et je lui ai donné ma nouvelle position. Ils sont
arrivés 6 heures plus tard en fin d’après midi.
Et là, le truc le plus
incroyable que j’ai vécu a commencé.
Ce cargo gigantesque qui ne
passe pas les écluses de Panama a commencé à se rapprocher. Le
capitaine m’a donné les instructions de la manœuvre par vhf. Il
allait se mettre au vent pour me casser les vagues ( 7.5m de creux)
et nous allions naviguer à même vitesse côte à côte jusqu’à
se rapprocher à moins d’un mètre. Puis ils allaient m’envoyer
un filin que je crochèterais sur mon harnais.
J’avais au préalable enfilé
ma combinaison de survie. La première tentative a échoué, puis le
cargo a manœuvré, je me suis retrouvé sur son arrière, ils ont pu
m’envoyer un messager, j'ai récupéré la ligne de vie. Le
trimaran s’est retrouvé à frotter sur la coque du cargo. La seule
solution pour me récupérer était de sauter dans l’eau. Pendant
que les bras de liaison explosaient, j’ai plongé.
Je me suis retrouvé sous la
nacelle entre la coque du flotteur et la carène du cargo. L'équipage
m’a alors propulsé à fond pour ne pas me faire écraser. Pendant
une minute, j’ai été traîné dans le Pacifique ne pouvant plus
respirer sous des gerbes d’eau, puis j’ai été comme catapulté
le long de la coque jusqu’à arriver au pont.
Là, un sympathique équipage
Ukrainien m’a accueilli. J’étais incapable de tenir sur mes
jambes tant le moment avait été fort. Encadré par deux gaillards,
ils m’ont conduit à l’infirmerie pour constater qu’il n’y
avait pas de dégâts. Après une douche chaude, ils m’ont donné
des affaires sèches et conduit dans ma cabine.
Me voila embarqué sur le
Mineral Beijing, pour finir ce tour du monde. Car l’ironie de
l’histoire veut que ce cargo passe le cap Horn et aille aux Pays
Bas pour livrer sa cargaison australienne de charbon. La longue route
continue mais pas sur le même navire…
J’ai atteint les limites du
trimaran en voulant forcer un passage. Fatigue des dépressions
australes et du froid glacial, j’ai voulu en finir rapidement avec
cette navigation, on voit le résultat, je ne suis pas fier d’avoir
abandonné mon bateau. Je savais que cette descente était plus
problématique pour le multicoque. Je pensais pouvoir me faufiler,
mais les coups de vent se sont enchaînés tous les deux jours.
Une vie sans voilier commence
aujourd’hui.
Merci au capitaine du Mineral
Beijing et son équipage pour leur incroyable manœuvre et leur
gentillesse.
Merci aux Mrcc pour leur
efficacité.
Merci à Fanch et Francis pour
leur soutien.
PS: J’ai noyé tablette et
smartphone dans mon plongeon, je ne peux plus utiliser l’iridium.
Si vous voulez m’écrire utilisez mon adresse gmail habituelle ou
utilisez les commentaires.
Mon très cher cousin, je finis de lire ce récit les larmes au yeux. J'ai eu peur , j'ai eu mal, j'ai eu froid avec toi. En voyant la photo du cargo qui t'a récupéré, je m'étais imaginé la scène de ton sauvetage à peu près comme tu l'as décrite, le plongeon et la partie sous-marine en apnée en moins ! Je te suivais de loin depuis le début de ton courageux périple. Je ne peux qu'avoir une mince idée de ce que tu as dû ressentir en laissant filer "Sucre...". Je sais que tu surmonteras cette nouvelle épreuve. On est des costauds dans la famille, pas vrai ? Tu vis à présent une expérience que peu de gens ont eu à vivre. Un mois sur un cargo entouré de marins ukrainiens. De quoi écrire un livre sur "ta" longue route...Je pense fort à toi et au cas où le cargo ferait un stop au Pirée, je mets l'Ouzo au frais. Bon courage à toi. Ta cousine Clarisse
RépondreSupprimerOUF... on aura pas le plaisir de revoir Sucre de pastèque à Larmor mais on vous envoie de nombreuses pensées SUPER expérience sans doute
RépondreSupprimerCher Sébastien,
RépondreSupprimerQue d'émotions à la lecture de ton récit ! Ta longue route va être singulièrement raccourcie même si tu eus préféré qu'elle soit plus longue. La séparation avec ton "sucre" à du être chargée de tristesse. Nous nous remémorons les bons moments passés ensemble et avec Sylvie il y a 9 ans pendant que tu (vous) le construisiez à Port Lavigne.
Nous allons suivre maintenant ta route raccourcie à bord de Minéral Beijing sur MarineTraffic.com. Nous y voyons que tu passerais le cap Horn dans 3 jours et que l'ETA d'arrivée aux Pays Bas serait autour du 24 février....
D'ici là, bonne route malgré tout, en apprenant l'Ukrainien par exemple !
Énormes bises de nous deux. Éliane et Jean-Yves
J'ai pas bien compris tous les mots, ignorante que je suis en terme de navigation... Mais quelle narration !! Que d'émotions ! Heureuse de savoir que tu es désormais à l'abri. Prochaine étape : une croisière COSTA ?...
RépondreSupprimerCécile (la pote de Sylvie, du duo des "sales gamines du théâtre", pour te resituer la bête...)
Sébastien,
RépondreSupprimerce que tu viens de faire et de vivre est formidable.
Tu rentres dans la catégorie des aventuriers maritimes.
Même si cette fin de voyage n'est pas celle à laquelle tu t'attendais, tu as su trouver l'énergie pour amener à bien ce projet à tout point de vue (technique, humain, financier...).
Nous sommes persuadés que cette nouvelle vie sans bateau ne sera que provisoire.
Bruno et Emmanuelle Quichaud (Bordeaux)
Dear Sebastien,
RépondreSupprimerWe are Chilean mission control center , we received your EPIRB activation and sent to Chilean MRCC for your rescue, we are happy that they will find you in good health and We regret the loss of your yacht that was part of your life.
best regards.
CHMCC